Au menu de la revue africaine de veille et d’intelligence économique, n°004 du 21.09.2020

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Quelle idée que celle d’auditer 500 ans d’histoire d’un continent qui a produit peu d’écrits connus ! Alors que la tragique disparition de George FLOYD défrayait la chronique, le Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE) s’est senti le devoir de comprendre et le courage d’entreprendre. Comprendre pourquoi, aux quatre coins du monde, les Africains semblaient si mal aimés. Entreprendre une évaluation sans concession de la participation africaine à la construction du monde qui se présente à nous.

Ce hors-série rend compte, autant que possible, des contributions présentées lors de la 3ème édition des Journées Africaines de l’Intelligence Economique (JAIE). Entièrement en ligne, elle a été animée par 33 intervenants de 15 pays. Si le présent s’est imposé pour établir les responsabilités et générer les idées d’amélioration, l’inévitable question de l’esclavage et de la traite négrière a été décisive pour distinguer les causes passées des conséquences actuelles.

A la fin 2017, les Nations Unies dénombraient près de 45 millions d’esclaves dans le monde. Grosso modo, l’ONU en comptait 18 millions en Inde, 3 millions en Chine, 2 millions au Pakistan, 1 million en Corée du Nord, 92 000 en Arabie Saoudite et 800 000 en RD Congo. A la même période, le monde découvrait, horrifié, les traitements inhumains, cruels et dégradants dont étaient victimes les migrants africains en Libye. L’esclavage reste une question d’actualité.

Le 17 juin 2020, les députés européens ont reconnu, par 493 voix pour, 104 contre, et 67 abstentions, que la traite des esclaves est « un crime contre l’humanité ». Le même jour, le Conseil des droits de l’Homme de Nations unies a adopté, à l’unanimité, une résolution condamnant le racisme systémique et les violences policières. 19 ans plus tôt, l’ONU avait rangé ce « nazisme avant Hitler » – comme le désigna Aimé Césaire – au registre des crimes contre l’humanité.

Parmi les combats pour y parvenir, le panafricanisme vit le jour et foisonna dans la diaspora. Encore aujourd’hui, des militants de ce que l’Union africaine nomme « sixième région » continuent de lutter pour une Afrique fédérée et unie comme le montre la contribution de Annie MUTAMBA et Junior BINAM. Dans cette dynamique, Beaugrain DOUMONGUE et Samson AGBEDUVO rappellent à quel point les panafricanistes ont peuplé les arts et la culture de l’humanité.

Au plan économique, le constat de la communauté africaine de l’intelligence économique est sans appel : une partie du monde industrialisé est bâti sur la traite transatlantique des Noirs et l’esclavage qui s’en suivit. Sous les dalles des monuments, gisent au propre, comme au figuré, des corps d’Africains pris pour de la chair à canon ou des biens économiques utiles, peu coûteux et corvéables à souhait. Presqu’autant que leurs ressources naturelles dont le marché rend compte de l’exploitation dans la contribution de Madina TOURE.

Parmi les conséquences de cette exploitation et leur complexification par les acteurs de la postcolonie, Me Pauline BOUM et Me Ladouce KAMDEM nous convient à refaire le chemin des batailles menées au profit des droits humains. Les activistes Cécile THIAKANE et Joëlle SOW nous invitent à faire le même voyage sur le terrain de l’environnement. Le tableau urbain ici est d’autant plus saisissant qu’en 2025, près de 800 millions d’Africains vivront dans les villes.

Au plan psychologique, les conséquences sont dévastatrices, documentées par la perception négative de l’Afrique et des Africains par les autres et par eux-mêmes. Le propos de l’ancien ministre tchadien Ngabo Seli MBOGO, dans sa contribution à la rubrique « Etre Africain et gagner au XXIè siècle » tend pourtant à montrer que cette situation évolue plutôt positivement. La même dynamique est relevée dans l’effervescence des technologies de l’information par Espoir DOSSAH et Gilles KOUNOU où l’Afrique réalise des sauts quantiques.

Un autre son de cloche qui nous parvient des trajectoires géopolitiques. Ici, sans ressasser les défaites, Dr Pascal TOUOYEM souligne les nouveaux enjeux auxquels l’Afrique est confrontée. Idem sur le plan spirituel. Nous avons perdu la souveraineté de nos langues, de nos ressources, de nos identités et quelques fois de nos croyances, d’après les analystes du CAVIE. Dans leur contribution sur les trajectoires religieuses africaines, Dr Jacques ATEBA et Dr Abraham HONORE parlent à ce propos d’une « responsabilité karmique » à assumer.

Pour conclure, le débat « Etre Africain et gagner au XXIè siècle » animé par Marie Roger BILOA, entourée de Murielle DEGBEY MOULIOM, Imen BEN JEMIA, Ngabo Seli MBOGO et Pierre-Michel NGUIMBI a démontré que le présent de l’Afrique, après 500 ans, n’a plus d’excuse. Dans ce contexte, et face aux défis actuels, sensibilisation, formation et accompagnement constituent la triple mission que les intervenants renouvellent au Centre africain de veille et d’Intelligence économique à l’occasion de son cinquième anniversaire.