Guy Gweth analyse la ZLECA dans la revue allemande AfrikaContact

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C’est le plus important coup d’accélérateur à l’intégration économique et commerciale du continent noir depuis la création de l’Union africaine en 1963. Pour évaluer ce que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) peut apporter aux PME africaines et allemandes, il importe de la déchiffrer et de la mettre en perspective.

Essentiel de ce qu’il faut savoir sur la ZLECA

La ZLECA représente un marché de 1,2 milliard d’individus, soit plus de 2.500 milliards de dollars de PIB cumulé, d’après les statistiques du CAVIE au moment de mettre sous presse. En intégrant l’accord de libre-échange, les Etats africains se sont accordés pour bannir les droits de douane sur la plupart des marchandises, de libéraliser le commerce des principaux services, de s’attaquer aux obstacles non tarifaires qui freinaient, jusque-là, les échanges commerciaux intrarégionaux ; de créer un marché unique continental où la main-d’œuvre et les capitaux circuleront enfin librement.

Cela dit, si la ZLECA dispose du potentiel pour stimuler les échanges commerciaux intrarégionaux en Afrique, elle impose d’actionner un double levier à caractères tarifaire et non tarifaire. Car les possibilités de développer le commerce intrarégional sont particulièrement importantes pour certaines matières premières agricoles et pour les industries manufacturières. Mais… Il est impératif de lever une partie des obstacles non tarifaires, dont une grande partie provient d’une logistique et des infrastructures inadaptées. L’effet final recherché est de provoquer une baisse globale des droits de douane en vue d’obtenir des effets notables sur les flux commerciaux sur le continent.

On peut logiquement redouter, au vu des premiers débats qui agitent l’opinion publique de certains Etats africains, que l’intégration commerciale de leurs économies à celles d’autres pays bénéficiera à certaines branches d’activité critiques et en pénalisera d’autres. Le Centre africain de veille et d’intelligence économique anticipe que cette intégration induira des effets négatifs sur les bénéfices et les perspectives d’emploi dans certains secteurs d’activité et réduira les recettes budgétaires d’autre part.

Au plan de la réduction des obstacles non tarifaires, nos analystes prévoient que l’effet stimulant des baisses de droits de douane va s’accentuer sur le commerce, singulièrement dans les pays enclavés et à faible revenu comme le Burundi ou la République centrafricaine. C’est le lieu de rappeler que l’objectif le plus ambitieux de la ZLECA – élimination à terme des droits sur 90% des flux – a vocation à augmenter de près de 16 % du commerce régional, avec des bénéfices certains pour les PME.

Bénéfices de la ZLECA pour les PME africaines

Les retours d’expérience des zones de libre-échange dans d’autres parties du monde ont permis de constater qu’elles favorisent les transformations structurelles. Ces zones d’intégration dynamisent la diffusion de connaissances et de technologies et facilitent considérablement la conception de nouveaux produits sur les territoires concernés.

On peut donc techniquement s’attendre à ce que la ZLECA contribue à la spécialisation des entreprises africaines – dont plus de 90% sont des PME – dans la production des biens et des services pour lesquels elles détiennent un avantage comparatif. On peut aussi raisonnablement s’attendre à voir ces PME bénéficier des économies d’échelle au profit d’une productivité et d’une croissance augmentées.

A ce stade, il fait bon souligner que contrairement aux exportations vers le reste du monde, les flux commerciaux intra-africains sont bien plus diversifiés. La littérature de recherche confirme qu’ils concernent surtout des biens à plus forte valeur ajoutée.

Rappelons qu’en 1990, le commerce intra-africain pesait à peine 5% du total des importations du continent contre 15% en 2017. Ajoutons, à toutes fins utiles, que ces statistiques officielles restent aveugles devant un élément clé : le commerce informel transfrontalier évalué à 40% de l’activité économique par le CAVIE au quatrième trimestre 2019. Cette donnée n’est pas dénuée d’utilité pour les PME allemandes.  

Utilité de la ZLECA pour les PME allemandes

Le commerce africain a connu un essor fulgurant au cours des dernières décennies. De 1990 à 2017, les importations et exportations des biens et des services ont bondi de 53 à 67 % du PIB. Cette trajectoire était le reflet d’une augmentation des volumes et d’une évolution favorable des prix ; toutes choses qui ont redistribué les cartes des partenariats commerciaux de l’Afrique. De potentielles alliances avec l’Allemagne devraient logiquement contribuer à booster davantage le commerce des services.

D’après les analystes du CAVIE, la ZLECA va mécaniquement amplifier le potentiel de transformation économique africain. Parmi les principaux effets attendus, il y a de l’attractivité des investissements directs étrangers et la création de chaînes d’approvisionnement régionales capables de profiter aux entreprises germaniques et de produire des transformations économiques spectaculaires sur le continent africain.  

Pour autant, les PME allemandes devront tenir compte de l’hétérogénéité des pays du continent. Alors que certaines petites économies du continent, notamment en Afrique australe, sont très bien intégrées, d’autres, plus grandes, sont encore très mal insérées dans le commerce régional. L’exemple le plus emblématique reste le trio composé de l’Algérie, de l’Égypte et du Nigéria. Ensemble, ces trois pays comptent pour 50% du PIB régional, mais ne contribuent qu’à hauteur de 10% au commerce continental.

Par ailleurs, l’expansion du commerce régional a fait émerger des pôles commerciaux, tels que l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal, au vu de leur contribution à la somme des importations régionales. Or, à elle seule, l’Afrique du Sud, par exemple, pèse 40% des importations manufacturières intrarégionales. C’est dire si les entreprises allemandes devront y aller au cas par cas, en tenant compte des spécificités locales certes dynamisées par la zone de libre-échange continentale.

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Guy GWETH